Statut européen de protection des lanceurs d’alerte : la Commission tergiverse

Dans une interview donnée au quotidien Le Soir en date du 29 septembre, la Commissaire européenne à la justice, Vera Jourova, a déclaré que la Commission européenne allait reporter à l’année prochaine la présentation d’une initiative pour la création d’un statut européen protégeant légalement les lanceurs d’alerte. Cette annonce a interrogé de nombreux observateurs sur la volonté de l’exécutif européen d’élaborer une norme sur cette question. Rapporteur au Parlement européen sur le texte d’initiative visant à la protection des lanceurs d’alerte, l’eurodéputée française Virginie Rozière (groupe S&D) s’interroge sur la nature de cette tergiversation et rappelle la Commission à ses responsabilités.

 

On désigne comme lanceurs d’alerte, des salariés qui révèlent les crimes, délits et autres actes contraires à l’intérêt général commis par leur entreprise. En Europe, seulement six pays disposent d’une législation protégeant les lanceurs d’alerte. Pour remédier à cet état de fait, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a engagé depuis un an des travaux afin d’élaborer une norme ambitieuse. S’il ne dispose pas de l’initiative législative, il est toutefois en mesure de contraindre la Commission à engager des projets de directive sur un sujet donné.

 

Sur la protection des lanceurs d’alerte, la Commission n’a jamais affiché d’intention franche et déterminée de proposer une législation contraignante, invoquant pour se justifier des contraintes « d’ordre juridiques ». Par la voix de sa Commissaire à la justice, Vera Jourova, elle vient même d’annoncer le report à l’année prochaine d’une proposition d’initiative visant à une protection transversale des lanceurs d’alerte.

 

Cette annonce a suscité de nombreuses critiques. Pour Virgine Rozière, eurodéputée et rapporteur au Parlement sur le texte d’initiative, les justifications de l’exécutif européen laissent planer le doute quant à sa volonté de légiférer sur le sujet. Espérant que « ce nouveau délai soit le dernier », l’eurodéputée salue toutefois plusieurs prises de la position allant dans le sens des propositions du Parlement européen par Mme Jourova.

 

Réunie en session extraordinaire le 2 octobre, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a adopté le rapport de Virginie Rozière. Celui-ci prévoit une définition juridique du lanceur d’alerte particulièrement aboutie ainsi que différents mécanismes de soutien financier, psychologique au niveau communautaire. Les salariés exerçant leur droit critique pourraient bénéficier de l’appui du Défenseur européen des droits, lequel verrait ses pouvoirs étendus. Enfin, le rapport incite la Commission à proposer une législation sur le sujet avant la fin de l’année. Le vote du rapport en assemblée plénière du Parlement européen est prévu pour les 23 et 26 octobre. Si le vote du texte par les parlementaires semble acquis, pourra-t-il autant inciter la Commission à faire preuve d’une meilleure volonté ?