Dans le cadre des prochaines élections européennes, l’Ipse publie une série de contributions autour de ce scrutin majeur. Un Folio spécial sera édité courant Mai, rassemblant les contributions d’eurodéputés et d’observateurs qualifiés des institutions de l’UE. Pour l’Ipse, Jean-Pierre Bobichon, administrateur de notre institut nous décrit l’importance du Parlement européen dans le processus de décisions de l’UE.
» A partir du 23 mai 2019 en Europe, suivant les traditions électorales et le 26 mai, en France, je vote et fais voter aux élections européennes à un seul tour « .
Élections : mode d’emploi : Les élections pour le Parlement Européen auront lieu dans les 27 pays de l’Union Européenne [le Royaume-Uni étant sorti de la famille européenne, le 27 mars) Le mode de scrutin est celui d’un scrutin de liste à la proportionnelle à un seul tour. Le gouvernement a décidé qu’il n’y aurait qu’une seule circonscription nationale (et non 8 comme cela était le cas entre 2003 et 2014) : il n’est pas sûr que cela soit une bonne décision car les représentants vont être, se faisant, très éloignés de leurs électeurs. Ces élections ont lieu depuis 1979 tous les cinq ans au suffrage universel. Elles permettront d’élire 705 eurodéputés : comme il n’y aura plus de députés britanniques le nombre total a été réduit de 751 à 705 tandis que la composition a été rééquilibrée entre les pays, ainsi huit Etats membres sous représentés démographiquement se sont vus allouer des sièges supplémentaires dont la France qui sera représentée par 79 eurodéputés au lieu de 74 dans cette législature 2014-2019. A l’issue de ces élections les député-e-élu-e-s devront rejoindre un groupe politique : Actuellement, il y huit groupes politique et les parlementaires sont répartis dans les 20 Commissions spécialisées en fonction de la connaissance des dossiers
Les compétences du Parlement Européen : le Parlement Européen a un rôle majeur dans le processus de décisions de l’Union Européenne ; il est l’une des composantes du « triangle institutionnel » de l’Union Européenne avec la Commission européenne, qui dispose du pouvoir d’initiative, et le Conseil Européen qui de nature intergouvernemental a un pouvoir décisionnaire. Le Parlement Européen vote et amende les textes proposés par la Commission. Il est compétent dans un certain nombre de domaines comme les Affaires Étrangères, l’agriculture, la pêche… Il négocie le budget de l’Union Européenne. L’avis du PE est aussi pris en compte dans une cinquantaine de domaines où il n’est pas décisionnaire comme le droit à la concurrence, la fiscalité, certains aspects de la politique sociale. Il peut opposer son veto dans 16 domaines comme l’adhésion d’un nouvel État comme membre de l’Union ou la signature de traités internationaux. Par ailleurs lorsque les citoyens de l’Union exercent leur droit de pétition ils adressent leur pétition au Président du Parlement Européen. Les députés européens disposent donc d’un pouvoir législatif non négligeable. Ils disposent également d’un pouvoir de contrôle : ils peuvent censurer la Commission qui doit alors présenter sa démission ou destituer un Commissaire. Le PE a aussi le pouvoir de présenter des recours devant la Cour de Justice en cas de viol du Traité par une autre institution. Enfin il convient d’indiquer – en vertu du Traité de Lisbonne (2009) – que le candidat au poste du Président de la future Commission européenne doit être choisi en tenant compte des résultats des élections européennes.
Les enjeux de ces élections sont multiples : pour l’essentiel on peut les résumer à la démocratie comme priorité et à la réaffirmation des valeurs européennes.
L’enjeu est d’abord celui de la participation à ces élections : la critique à l’égard de l’Europe, de « Bruxelles » est un jeu facile mais la participation reste notoirement insuffisante : 39,3% d’abstentions aux élections de 1979, 59,4% à celles de 2009 (taux record d’abstentions), 56,5% à celle de 2014 : c’est très, très insuffisant pour légitimer réellement les représentants élus au PE.
Le respect de l’État de droit : il est maintenant bousculé par plusieurs pays européens dont la Hongrie, la Pologne le principe électoral se combinant avec la mise en cause de l’indépendance de la justice, le contrôle des médias et le refus des corps intermédiaires…A ces pays s’ajoutent ceux qui sont pénétrés par des pratiques de corruption comme la Roumanie ou Malte. De fait, si l’Union Européenne ne se résume pas un marché unique, elle doit affirmer beaucoup plus fermement ses valeurs qui doivent être partagées et pratiquées par tous au regard des traités, y compris avec des possibles sanctions, via l’accès ou pas au fonds structurels européens
La question des migrants : Des forces politiques notamment d’extrême droite utilisent sans scrupule cette question pour dresser des murs, refuser l’accès de bateaux humanitaires dans leurs ports, écarter la répartition des migrants avec comme but ultime un repli nationaliste étriqué. Ces migrants ne viennent pas de nulle part ils sont issus de pays en guerre et/ou de pays où il n’y a pas d’espoir d’amélioration de leur situation quotidienne. Les solutions sont complexes et multiples : l’accueil (formation, logement), la solidarité entre pays membres, l’aide au développement, la recherche de règlement des conflits : tout cela ne peut se faire en un jour, nécessite du temps mais en tout cas la voie à emprunter ne se situe ni dans le repli ni dans l’agressivité. De plus comme le révèle les statistiques d’Eurostat ou les données de l’OIM (l’organisme des nations unies en charge des migrations) le phénomène des migrations s’est dernièrement beaucoup ralenti : entre le 1er janvier et le 24 juin 2018 42.845 migrants sont arrivés par la Méditerranée c’est deux fois moins qu’en 2017 à la même période, ils étaient 363.504 en 2016 et plus de un million en 2015. Si l’action de la Commission n’est pas parfaite, elle est loin d’être négligeable ce sont d’ailleurs surtout certains États qui sont soit à la traine soit opposés à toute action solidaire.
Le renouvellement du Parlement européen va être l’occasion d’aborder des thèmes comme les valeurs humanistes de l’Europe, les solidarités, l’Europe des citoyens…Poursuivons la construction européenne que nous voulons en l’adaptant aux défis de ces années.
Jean-Pierre Bobichon
Conseiller auprès de l’Institut Jacques Delors