Le mercredi 10 Avril l’Ipse a assisté à la conférence de Madame Carole GRANDJEAN, députée LREM de la 1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle et membre des commissions affaires européennes & sociales de l’Assemblée Nationale, autour de son rapport parlementaire sur le socle européen des droits sociaux. Il s’agissait de déterminer la plus-value de ce socle. Cet évènement était organisé par Réalités du dialogue social en partenariat avec Confrontations Europe.
L’Assemblée Nationale se compose de 8 Commissions permanentes dont la Commission affaires européennes & sociales. Son but est de suivre l’activité européenne, l’actualité législative et d’être force de proposition au niveau du Parlement Européen et des instances européennes.
Le rapport parlementaire présenté étudie l’impact du Socle Européen des droits sociaux sur l’acquis social européen à travers le recensement d’actions concrètes.
Le Socle Européen des droits sociaux, texte sur lequel l’Ipse a beaucoup travaillé depuis sa sortie, est selon Mme Grandjean, peu connu des européens. Deux points fondamentaux sont à retenir dans ce rapport :
- Le socle n’est pas le premier pas social. En effet, 200 textes législatifs concernent déjà la législation sur le droit social (dont 80% consacrés à la santé).
Ces avancées notables peuvent être imputées à l’Union Européenne :
- L’information et la consultation des travailleurs suite à la directive européenne de 2002
- L’égalité homme femme depuis 1976
- Le détachement des travailleurs encadré par la directive du 18 juin 2019
Les fonds sociaux tels que le FSE jouent également un grand rôle dans la mise en place d’action sociale en Europe.
Ainsi, l’acquis social de l’Europe est non négligeable, on remarque par exemple que 27,5% du PIB y est investi pour des motifs sociaux et qu’aucun pays de l’Union n’y consacre moins de 15% de son PIB alors qu’ailleurs dans le monde aucun pays ne dédie plus de 15% de son PIB à cette cause. Mais de gros progrès restent encore à accomplir notamment en termes d’inégalités. En dehors des domaines définis dans le traité de Lisbonne, la majorité des sujets de droit social reste une compétence nationale. Les compétences de l’Union Européenne dans ce domaine sont donc limitées.
- Le socle constitue réellement une vraie impulsion pour l’Europe sociale.
Certes, ce socle n’est pas opposable juridiquement et certains de ses principes sont formulés de façon très générale. Toutefois, l’établissement d’un socle peut dessiner un modèle social européen et permettre de définir un plan d’action permettant d’approfondir les acquis sociaux. En outre, ce socle de droits peut être rendu effectif si la Cour de Justice de l’Union Européenne s’en sert comme base juridique et si la Commission l’utilise comme document de référence pour des propositions d’actions communes ou législatives en matière sociale.
Le rapport Parlementaire présenté offre des propositions de méthodes et des mesures concrètes.
La mise en place d’une Europe sociale se heurte à deux obstacles : d’une part la variabilité des modèles sociaux d’un pays à l’autre avec le refus de certains états de se remettre en question et d’autre part, le principe de subsidiarité.
Les préconisations du rapport abordent des thèmes variés. Le rapport parlementaire propose, par exemple, l’instauration d’un socle d’assurance chômage européen.
La question transfrontalière est aussi un grand enjeu pour la Commission affaires européennes & sociales de l’Assemblée Nationale avec le suivi des contrôles et le recouvrement des sanctions qui requiert une coopération entre Etats. Concernant les travailleurs détachés, la directive négociée est un véritable pas de géant en matière de rémunération, si elle est réellement appliquée. C’est pourquoi le rapport préconise un renforcement de l’autorité européenne du travail et un contrôle pour que la règlementation soit efficace. Il s’agit bien d’une question de protection sociale car les travailleurs détachés sont souvent faiblement qualifiés. En revanche, avec une durée moyenne de travail détaché de 44 jours, la mise en place de cotisation sociale parait difficile. C’est pourquoi le rapport préconise d’investir sur un fonds européen dédié afin de limiter le dumping social.
Les rapporteurs ont aussi beaucoup travaillé sur l’éducation : il faut aller plus loin que la réforme LMD (Licence Master Doctorat) en facilitant la validation des acquis de l’expérience. La création d’un poste de référent Europe dans chaque établissement d’enseignement secondaire est proposée. Encourager la mobilité étudiante, c’est aussi travailler sur des points concrets tels que l’accès au logement, aux services bancaires, etc.
Le rapport propose également des mesures sur l’économie sociale et solidaire telles que :
– le concept de lucrativité limité
– la coordination entre états en ce qui concerne les problématiques de garde d’enfants dans les situations de séparations entre couples mixtes inter-étatiques
– une garantie de transparence sur les rémunérations
– une coordination sur les questions de handicap
– une meilleure évaluation scientifique des fonds sociaux européens
Madame la Députée a également pu répondre aux questions de l’assistance. A la question du travail non salarié, à laquelle l’Ipse avait consacré sa 42e Rencontre en 2016, elle nous apprend que 10% des européens ont déjà travaillé sur une plateforme numérique. Elle espère que les candidats aux élections européennes vont se saisir de cet enjeu car ces sociétés dépassent les frontières. Un débat national et européen sur ces sujets semble donc nécessaire pour déterminer quels points doivent être légiférés au niveau européen. Un des enjeux majeurs de cette problématique réside dans la représentation syndicale de ces travailleurs qui ne forment pas un ensemble uni de par leur statut d’indépendant. Elle préconise une grande consultation sur ces sujets avec un recensement de cette population avec ses attentes.
Le rapport présente donc des recommandations concrètes pour mettre en œuvre le socle. Il s’agit de rendre plus claire l’Europe sociale et ses limites et d’identifier les points sur lesquels il est possible d’avancer. Concernant le dialogue social, il existe une législation de 1986 qui donne une place aux organisations syndicales. Toutefois, le rapport suggère de donner une place plus forte aux corps intermédiaires autour de comités thématiques incluant des experts.