Suite à l’insolvabilité de leur employeur, 836 salariés britanniques ont été amputés d’une partie de leur droits à retraites issus du régime privé professionnel de l’entreprise. Si les prestations des anciens salariés bénéficiant déjà des de leur pension de retraite au moment de la liquidation de l’entreprise ont pu être maintenues en tant que créances privilégiées, cela a été au détriment de ceux qui n’en étaient pas encore bénéficiaires.
Ils ont alors demandé réparation intégrale à l’Etat britannique en se prévalant de l’article 8 de la directive 80/987/CE relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur qui stipule que « Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits encours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale. »
Le juge anglais s’est alors tourné vers le juge communautaire afin de lui poser trois questions visant à interpréter la directive invoquée. La Cour de Justice des Communautés Européennes y a répondu le 25 janvier 2007
La première question visait à savoir si l’article 8 obligeait l’Etat membre à garantir lui-même et intégralement les droits acquis en cas d’insolvabilité de l’employeur.
Ce a quoi la Cour a répondu par la négative, la directive se bornant à exiger des mesures pour protéger les intérêts, sans préciser ni les moyens ni l’étendue de cette protection. Celle-ci peut très bien se faire par le biais d’institutions de garantie ou par une obligation d’assurance, et pour un montant limité.
En cas de réponse négative à cette première question, la deuxième cherchait à apprendre si malgré tout l’exigence de protection de l’article 8 était remplie par les mécanismes de garantie en vigueur au Royaume-Uni.
Ici le juge communautaire reconnaît l’absence de précision permettant de quantifier cette protection. Cependant, il ressort de la simple lecture du texte qu’une législation qui peut conduire à une réduction de 80% (comme c’est le cas d’un des demandeurs) des prestations prévues ne peut être jugée comme offrant un niveau de protection suffisant et la Cour juge donc que la législation britannique actuelle ne réalise pas une transposition correcte de l’article 8.
La troisième question demande enfin si cette infraction au droit communautaire (transposition incorrecte) suffit à engager la responsabilité du Royaume-Uni et donc à contraindre ce dernier à la réparation du préjudice subi par les salariés.
En substance, le juge communautaire, après avoir reconnu l’infraction de l’Etat, expose que compte tenu de l’imprécision du texte il appartient à la juridiction nationale de constater de la part du Royaume-Uni « une méconnaissance manifeste et grave des limites qui s’imposaient à son de son pouvoir d’appréciation » en prenant en compte tous les éléments, et notamment un rapport de la Commission européenne de 1995 qui dans sa formulation pouvait laisser entendre au Royaume-Uni qu’il avait satisfait à la transposition de la directive.
L’insuffisance d’un Etat ne suffit donc pas à engager sa responsabilité.
Arrêt pondéré s’il en est que rend ici la CJCE, qui, en respectant le jeu de la question préjudicielle, suit un raisonnement logique mais n’offre pas de réponse sécurisante aux salariés anglais.
Forte de ces précisions, c’est maintenant à la High Court of Justice britannique de trancher.