A la veille des élections du Parlement européen, l’Ipse a posé trois questions aux principaux groupes du Parlement européen (PPE, S&D, ALDE, Verts/ALE et GUE/NGL). Au menu : la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, la libre circulation et convergence sociale ainsi que l’économie sociale et l’entrepreneuriat social.Le Groupe Socialistes & Démocrates (S&D) nous a répondu, au nom de son président, Hannes Swoboda.
1) Doter l’Union économique et monétaire d’un volet social
Ipse : Quel rôle et quelle place doit avoir selon vous le pilier social de l’Union économique et monétaire européenne (UEM) ? Par quelles mesures concrètes (renforcement du dialogue social, indicateurs sociaux, assurance chômage européenne, aides européennes, etc.) passe la réalisation de cette dimension sociale et quel rôle peut y jouer la protection sociale ?
Hannes Swoboda : « Nous favorisons un modèle alternatif tournée vers la croissance, l’emploi et la justice sociale en Europe. Pour atteindre ces objectifs, l’Union économique et monétaire et les processus de gouvernance économique doivent être fondés sur un pilier social solide qui garantit une synthèse entre les aspects à la fois économiques et financiers et la dimension sociale. Nos projets pour un pilier social de l’UEM comprennent un ensemble de propositions détaillées sur la façon dont l’Union économique et monétaire peut être transformée en une Union économique, monétaire et sociale. En particulier :
- Un Pacte de progrès social complétant le Pacte de stabilité et de croissance, incluant des objectifs sociaux et d’emploi, un tableau de bord d’indicateurs sociaux et d’emploi clés, des politiques de référence pour les orientations révisées en matière d’emploi et un système contraignant de surveillance consistant à pointer et dénoncer publiquement, ainsi que des incitations à travers l’utilisation de fonds européens.
- Un Protocole social pour assurer au minimum une importance aussi forte aux droits sociaux qu’aux libertés économiques à travers le respect de l’article 9 et de la Charte des droits fondamentaux, de la législation secondaire et d’une future révision du Traité.
- Un Programme d’investissement social et de l’emploi
- Des normes sociales communes
- Un dialogue social européen renforcé
- Un système de gouvernance plus équilibré et démocratique dans lequel la dimension sociale est entièrement intégrée.
Concernant notre demande pour un Pacte social pour l’Europe, il se compose des éléments suivants, dont certains nécessitent des modifications du Traité :
– Une politique active du marché du travail intégré
– Une garantie européenne pour la jeunesse
– Des services publics décents
– Un protocole social pour protéger les droits sociaux fondamentaux et le droit du travail
– Le principe de l’égalité de rémunération et l’égalité des droits pour un travail de valeur égale, pour tous
– Des salaires décents pour tous
– Un socle de protection sociale
– 25 % des fonds de cohésion pour le FSE
– Le logement social
– Un pacte d’investissement social
– Une nouvelle stratégie de santé et de sécurité
– Restructuration
2) Plus de convergence sociale ?
Ipse : Doit-on aller vers davantage de convergence sociale et fiscale dans l’UE pour atténuer les tensions entre les différentes zones Nord-Sud, Est-Ouest ou encore centre et périphérie et faciliter la mobilité des travailleurs ? Quelles priorités précises dans ce cadre ?
H.S.: « La libre circulation des citoyens et des travailleurs est au cœur de la citoyenneté européenne et un pilier du succès du Marché unique de l’UE. Limiter la libre circulation nuirait aux citoyens de l’UE et les priverait d’un droit fondamental. La vraie nécessité est d’en finir avec l’austérité et la troïka, et de lutter pour une politique de croissance différente et une politique sociale différente en Europe, promouvant l’investissement, la cohésion et l’emploi pour tous les citoyens dans tous les États membres.
L’Union européenne a besoin de compléter la convergence fiscale avec la mise en place d’un système contraignant de convergence sociale – contenant de l’emploi décent et de qualité et des normes de travail – et un processus de coordination sociale pour prévenir et corriger les conséquences négatives que les grandes réformes économiques et sociales ont sur ces normes et donc sur le bien-être des citoyens.
Cette convergence sociale bénéficierait à la mobilité des travailleurs et la faciliterait, permettant en même temps de réduire considérablement le dumping social. Nous voulons nous battre pour des normes sociales et du travail de haut niveau pour tous les travailleurs dans l’UE. Nous voulons une révision en profondeur de la directive sur les travailleurs détachés pour garantir que tous les travailleurs dans l’UE jouissent pleinement de droits complets et d’une vie et de conditions de travail décentes. Nous voulons « un salaire égal pour un travail égal au même endroit ». »
3) Développement de l’entrepreneuriat social et de l’économie sociale
Ipse : De quelle manière le prochain Parlement européen peut-il s’approprier pleinement cette question de l’entrepreneuriat social, du développement de l’économie sociale, et donner suite aux propositions d’actions formulées à Strasbourg ?
H.S.: « L’ économie sociale contribue à remplir les quatre principaux objectifs de la politique européenne de l’emploi : l’amélioration de l’ « employabilité » de la population active ; la promotion de l’esprit entrepreneurial, en particulier par la création d’emplois au niveau local ; l’amélioration de la capacité des entreprises et leurs travailleurs à s’adapter, notamment par la modernisation de l’ organisation du travail ; le renforcement de la politique d’égalité des chances, en particulier par l’élaboration de politiques publiques qui permettent la conciliation entre la vie familiale et professionnelle.
L’économie sociale joue un rôle essentiel dans l’économie européenne en conjuguant rentabilité et solidarité, en créant des emplois de qualité, en renforçant la cohésion sociale, économique et territoriale, en générant du capital social, en promouvant la citoyenneté active , la solidarité et un type d’économie avec les valeurs démocratiques qui place les personnes au premier rang, en plus de soutenir le développement durable et l’innovation sociale, environnementale et technologique.
Nous croyons que le secteur de l’économie sociale a une contribution importante à apporter à la construction d’une économie européenne plus inclusive et cohésive. Nous voulons voir l’Union européenne développer un dialogue plus actif avec ce secteur sur la façon de maximiser son potentiel et nous allons pousser fortement pour la mise en œuvre du programme d’investissement social de la Commission européenne. »