Dans un arrêt (C-255/13) du 5 juin, rendu dans le cadre d’une question préjudicielle, la CJUE précise les modalités de détermination du « lieu de résidence habituelle », qui ne peut, selon la Cour, être fondée sur la seule durée d’un séjour. Les Etats membres doivent prendre en compte d’autres éléments, tels que le centre habituel des intérêts de l’intéressé ainsi que sa volonté de séjourner dans le pays d’accueil.
Un ressortissant irlandais victime d’un infarctus en 2002, lors de ses vacances en Allemagne, s’est vu contraint de demeurer onze années dans ce pays du fait des nombreuses séquelles liées à son attaque, et de la disponibilité de soins médicaux spécialisés à proximité. Dans un premier temps, le Health Service Executive irlandais (direction de la santé publique) a pris en charge tous les soins apportés en Allemagne. Mais cette couverture a cessé en 2011 au motif qu’il pouvait être considéré que l’intéressé avait établi sa résidence habituelle en Allemagne, du fait de la durée de son séjour.
La question préjudicielle posée à la CJUE était donc la suivante : un assuré ressortissant d’un Etat membre « A », tombé gravement malade lors de ses vacances dans un Etat membre « B », le contraignant à demeurer onze ans dans cet Etat « B », peut-il être considéré comme « séjournant » dans celui-ci durant cette période et donc bénéficier des dispositions du règlement 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale au niveau de l’UE ?
Les juges européens répondent par l’affirmative. En effet, ils estiment que le « règlement (CE) n° 883/2004 […], doit être interprété en ce sens que, aux fins des articles 19, paragraphe 1, ou 20, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, lorsqu’un ressortissant de l’Union, qui résidait dans un premier État membre, est atteint d’une affection grave et soudaine lors de vacances dans un second État membre et est contraint de demeurer durant onze années dans ce dernier État du fait de cette affection et de la disponibilité de soins médicaux spécialisés à proximité du lieu où il habite, il doit être considéré comme «séjournant» dans ce second État membre dès lors que le centre habituel de ses intérêts se situe dans le premier État membre. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer le centre habituel des intérêts de ce ressortissant en procédant à une évaluation de l’ensemble des faits pertinents et en tenant compte de la volonté de celui-ci, telle qu’elle ressort de ces faits, la seule circonstance que ledit ressortissant soit demeuré dans le second État membre pendant une longue période ne suffisant pas, en tant que telle et à elle seule, à considérer qu’il réside dans cet État.»