Le réseau international de Médecins du Monde (MdM) a publié, en mai dernier, son rapport annuel sur l’accès aux soins en Europe, intitulé « L’accès aux soins des personnes confrontées à de multiples facteurs de vulnérabilité ». À ce titre, le rapport étudie plus particulièrement le cas des enfants et des femmes enceintes, mais également des migrants. Au vu des résultats inquiétants de l’étude, l’ONG s’interroge : l’Europe est-elle réellement le berceau des droits humains ?
Malgré les différents textes ou engagements internationaux garantissant les droits fondamentaux des personnes, les valeurs tels l’universalité, l’accès à des soins de qualité, l’équité ou encore la solidarité ne demeurent bien souvent que des notions théoriques. Ce rapport de MdM s’appuie sur des données collectées en 2014 lors de consultations médicales ou sociales individuelles réalisées auprès de 23 040 personnes dans 25 villes de différents pays (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse et Turquie).
Des données inquiétantes. Ce rapport relève que 62,9% des personnes reçues par MdM en Europe ne bénéficient pas de couverture santé. Plus de la moitié des enfants ne sont pas vaccinées contre des maladies tels que le tétanos, la rougeole, les oreillons ou encore la rubéole, alors que ces vaccinations sont reconnues comme étant d’une grande importance. Quant aux femmes enceintes, elles sont 54,2% à n’avoir pas bénéficié de consultation prénatale avant leur consultation par MdM. Cela est probablement dû au fait qu’elles sont 81,1% à ne pas avoir de couverture santé, et qu’une grande majorité d’entre elles vit sous le seuil de pauvreté.
Les barrières à l’accès aux soins. L’ONG a confronté les différentes barrières aux soins citées par les patients, à leur analyse du cadre juridique de chacun des pays étudiés, afin d’avoir une vision cohérente et fidèle de la situation. Cela a confirmé que « des lois restrictives et des processus administratifs d’accès aux soins complexes contribuent réellement à aggraver l’état de santé des personnes ».
Le cas des migrants. Les migrants sont devenus particulièrement vulnérables ces derniers temps. A ce titre, 93,6% des personnes rencontrées par MdM en 2014 sont des étrangers, dont 78% des ressortissants extra-européens. L’ONG dénonce « l’extrême dangerosité des routes migratoires, en raison du renforcement des contrôles aux frontières, les conditions indignes de détention et l’angoisse permanente d’être expulsé […] ils sont en outre confrontés à la xénophobie ».
Par ailleurs, les données recueillies déconstruisent le mythe de la migration pour raison médicale de cette catégorie de population. En effet, seuls 3% citent la santé comme l’une des raisons de leur migration, la principale raison étant économique (50,2%). De plus, les migrants rencontrés ont vécu en moyenne 6,5 ans dans le pays d’accueil avant leur première consultation par MdM.
Au vu de la situation, l’ONG interpelle, d’une part, les Etats membres et les institutions de l’UE pour qu’ils garantissent des « systèmes universels de santé publiques, fondés sur la solidarité, l’égalité et l’équité (et non sur une logique de profit), ouverts à toutes les personnes vivant en Europe » et, d’autre part, les professionnels de santé pour qu’ils fournissent des soins à tous les patients.
Source : Médecins du Monde, Rapport « L’accès aux soins des personnes confrontées à de multiples facteurs de vulnérabilité », Mai 2015 Pour en savoir plus