Le feuilleton dramatique que constituent les populations réfugiées en Europe ne trouve pas de mots assez forts pour exprimer nos indignations et engager des forces rassemblées pour agir et tenter de mettre un terme à ces voyages du désespoir.
Difficile d’écrire un article sur ces situations qui évoluent bien tristement tous les jours.
Le jeudi 6 août, la Commission européenne a appelé les dirigeants européens à cesser de « se lamenter » devant le nouveau naufrage meurtrier qui s’est produit au large de la Libye et « à passer l’action pour éviter de nouveaux drames ».
La Commission européenne considère « qu’il faut du courage collectif pour passer des déclarations aux actions concrètes, sinon les mots sonneront dans le vide ».
« Les Ministres ont obligation d’agir » a déclaré Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne.
Dans un courrier au Président du Conseil européen – Donald Tusk -, Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge et parlementaire européen, considère qu’il est « urgent » pour l’Union européenne de répondre à la crise de l’immigration et aux pressions croissantes qui s’exercent aux frontières extérieures de l’Europe. « Si nous avions besoin d’un rappel de l’inadéquation du système d’asile et d’immigration européenne, les morts de Calais et de la méditerranée en témoignent.», souligne Guy Verhofstadt. Depuis, les rafiots de la noyade ont continué de naviguer et même les camions de la mort comme en Autriche.
Le parlementaire européen propose de mettre en place des solutions paneuropéennes, dans lesquelles chaque Etat membre se partagerait la part des réalités migratoires et « s’attaquer[ait] aux causes du problème » en exigeant des réformes dans les pays d’origine des migrants et en fournissant des aides contrôlées au développement plus efficace et durable.
Situations catastrophiques :
Le 5 août, plus de 360 migrants ont été, heureusement, secourus au large de côtes libyennes par les gardes-côtes italiens. Malgré cette nouvelle action de secours, il est estimé à environ 200 nouveaux disparus.
Ce jeudi 6 août encore, de nouvelles actions de sauvetage ont permis de mettre à l’abri plus de 1130 migrants en grande détresse de quatre rafiots différents. Dans ce cadre, Médecins sans frontières a réussi à secourir plus de 600 êtres humains, complètement paniqués, massés sur un vulgaire bateau de pêche, menaçant de couler à tout moment.
Et la liste des détresses se poursuit : 340 000 personnes ont traversé les frontières de l’Union européenne depuis les sept premiers mois de l’année. 2 000, au moins de ces victimes de passeurs criminels, sont décédés. Les conditions ultra précaires continuent de faire grossir ce chiffre terrible de femmes, hommes, enfants – quasiment chaque jour.
Sur une seule journée, des garde-côtes italiens ont coordonné le sauvetage de 4 400 réfugiés en mer méditerranée… La Serbie, la Macédoine, via la Grèce, sont aux avant-postes de déplacements de populations, voyageurs sans espérance… Et ce n’est pas le mur de barbelé à la frontière entre la Hongrie et la Serbie qui règlera les problèmes de fond. Ce faisant, le gouvernement hongrois transgresse les droits et valeurs de l’Union européenne, dont il est membre. Un rappel clair, voire plus, à l’ordre et aux droits conformément aux Traités sont nécessaires.
Une plus grande solidarité doit se déployer concrètement au sein de l’Union européenne. Le « règlement de Dublin » doit être remplacé par un système d’asile européen centralisé, évitant ainsi que les demandeurs d’asile introduisent leur demande auprès du premier pays européen d’accueil, pouvant ensuite être envoyés vers ce premier Etat membre d’accueil s’ils tentent de s’installer ailleurs dans l’Union européenne.
Cette procédure engendre une forte pression sur l’Italie, la Grèce ou encore la Hongrie par exemple.
Enfin le couple franco-allemand, moteur de l’Union européenne s’est concerté le 24 août dernier.
L’Allemagne s’attend à un record de 800 000 demandes d’asile. C’est « le plus grand défi de l’Allemagne depuis la réunification du pays » a déclaré Sigmar Gabriel, vice-Chancelier allemand, qui s’est montré virulent à l’encontre du manque de réaction des Etats membres de l’Union européenne et de poursuivre… « l’Europe est d’une certaine façon dans un sommeil profond… », considérant comme une « énorme honte […] que la majorité des Etats membres puisse dire “cela ne nous concerne pas” ». Nous avons beaucoup à apprendre et d’enseignements à tirer du positionnement engagé de la Chancelière allemande mais aussi de la société civile allemande et même plus largement des citoyennes et citoyens.
Rejoignant Jean-Claude Juncker qui exhortait les Etats membres à ne pas céder aux populismes, aux facilités et aux solutions sans issues, Guy Verhofstadt, demande instamment aux dirigeants de l’Union européenne à ne pas se réfugier dans le nationalisme, ne pas tomber dans la désignation de coupables, ni d’ériger des murs barricades, car « nous, Européens, savons mieux que quiconque qu’ériger des murs ne constitue pas une solution », mais accentue les rejets.
Matteo Renzi, le Président du Conseil italien, s’est exprimé vigoureusement: « Si vous pensez que l’Europe n’est qu’une affaire de budgets, ce n’est pas l’Europe que nous avions imaginé en 1957 lors de l’élaboration du Traité de Rome ».
Enfin ça bouge ! Mais à suivre…
La visite ce 31 août à Calais du Premier ministre français, entouré de deux commissaires européens : Frans Timmermans, numéro 2 de la Commission européenne et Dimitris Avramopoulos, commissaire aux migrations et aux affaires intérieures, a été l’occasion d’annonces positives…si elles sont réellement mises en œuvre !!
Le temps presse à Calais pour construire un campement humanitaire susceptible d’accueillir 1500 migrants. Le temps presse pour que soit versé jusqu’à 5 millions d’euro supplémentaires à la France par la Commission européenne pour faire face à la situation des réfugiés à Calais.
Poursuivons l’action et la pression pour que le Conseil des ministres de l’Intérieur qui doit se réunir le 14 septembre prochain, complète efficacement et sans délais, les dispositifs déjà engagés partout en Europe où les situations l’exigent.
Faisons en sorte que le prochain Conseil européen ordinaire ou extraordinaire se saisisse de ces situations européennes qui bafouent les droits et devoirs de solidarité de l’Union européenne en général et entre Etats membres en particulier
Jean-Pierre Bobichon
Administrateur de l’Ipse