La volonté de réformer le système aux Etats-Unis poursuit deux objectifs majeurs : le premier vise à étendre la couverture santé aux 47 millions d’américains qui en sont dépourvus ; Le second, non moins essentiel, est de réduire les dépenses de santé, qui sont les plus élevées au monde par citoyen, que ce soient les dépenses privées des ménages, ou publiques (juste après la Norvège).
Avant d’aviser la réforme, Arrêtons-nous un instant sur la situation actuelle de la santé aux USA. Deux paradoxes méritent d’être soulignés. Les termes du premier sont cités dans la première phrase : des couts élevés malgré une couverture insuffisante, et une forte insatisfaction de la population.
Le second tient à la conception traditionnaliste de la médecine aux USA, enracinée avec une vigueur défiant toute concurrence ; l’idée d’un régime public ou universel est combattu bec et ongles depuis plus d’un siècle par les médecins au nom d’une sacro-sainte liberté, mais répugne également aux patients, qui voient dans l’intrusion de la sphère publique entre eux et le praticien le spectre d’une médecine socialiste, au sens idéologique, indigne de confiance et moins compétente.
De cette répulsion nait l’impossibilité de créer une couverture pour tous. La liberté reste ainsi protégée. Mais la liberté de qui ?Certainement pas des assurés, par contrat collectif ou individuels, contraints pour la très grande majorité à n’utiliser que le réseau de soins construit et géré par l’assureur(HMO ou PPO)1 , excluant toute autre prise en charge, limitant ainsi plus surement que n’importe quel régime universel le fameux libre choix. Il ne s’agit certainement pas non plus de la liberté des praticiens, soumis aux tarifs et conditions desdits réseaux auxquels ils participent. L’interventionnisme des assureurs privés semble ici jugé préférable à celui de l’Etat.
Ainsi que l’a exprimé Victor G. Rodwin lors d’un Café Nil co-organisé avec l’Espace Social Européen le 17 mars dernier, à ces motifs de réforme s’ajoutent ceux d’un système de santé archaïque, peu informatisé, conçu pour les années 50 et un gaspillage lié à l’hospitalisation évitable (700 milliards par an selon une étude Thomson Reuters.)
Fort de ces défis et contraintes, la réforme a été tissée de compromis. Il n’y aura donc pas de couverture universelle. « Ce n’est pas une réforme radicale. Mais c’est une réforme majeure » a affirmé Obama. Afin qu’elle soit acceptée, il fallait que tous les acteurs soient maintenus dans leur rôle, ce qui a été fait, et que soit mise à l’écart « l’option publique », le projet de système d’assurance fédérale, qui avait été envisagée initialement.
Alors, pas de révolution en apparence, mais des mesures aux conséquences malgré tout de taille puisque la réfome oblige tous les Américains ainsi que les employeurs de plus de 50 salariés à souscrire un contrat d’assurance santé sous peine d’amende, interdit aux compagnies d’assurance de refuser de couvrir les personnes en raison de leurs antécédents médicaux ou état de santé, accorde une aide à l’acquisition d’une couverture santé sous forme de crédit d’impôt, étend le programme Medicaid, destiné aux personnes à faibles revenus, à 16 millions de personnes supplémentaires…
La réforme (695 milliards d’euros sur 10 ans) devrait être financée, grâce d’une part à une maitrise attendue des dépenses du programme Medicare et d’autre part à des taxes sur les assurances les plus élevées et sur les ménages les plus aisés.
1: HMO : Health Maintenance Organization : prise en charge strictement limitée au cadre du réseau
PPO : Preferred Provider Organization : prise en charge élargie à un plus grand choix