La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé le 18 septembre dernier, qu’au titre de la libre prestation de services, un Etat membre ne peut imposer à un sous-traitant étranger un salaire minimum pour ses salariés. Ce jugement a été prononcé dans le cadre d’une affaire concernant l’attribution de marchés publics (aff. C-549/13).
Dans le cadre d’un appel d’offres pour un marché public, la ville de Dortmund (Allemagne) avait stipulé, en application d’une loi du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie de 2012, que le marché ne pouvait être attribué qu’à un soumissionnaire qui s’engage à verser à son personnel un salaire horaire minimal d’au moins 8,62 euros.
Suite à la saisine de la chambre de marchés publics compétente allemande par une des entreprises intéressée par l’appel d’offre, la chambre s’est adressée à la CJUE. La question préjudicielle posée, porte sur la comptabilité du droit de l’UE avec un mécanisme conditionnant l’octroi d’un marché public sur appel d’offres à l’engagement du soumissionnaire d’une part, à payer au personnel dédié recruté un salaire minimal fixé dans la disposition, et d’autre part, à imposer celui-ci au sous-traitant engagé ; étant entendu que cela ne concerne que l’adjudication des marchés publics et que les travailleurs du sous-traitant établi dans un autre Etat membre de l’UE, fournissent les prestations exclusivement dans leur pays d’origine.
La CJUE a condamné ce procédé, estimant que dans une situation « dans laquelle un soumissionnaire entend exécuter un marché public en ayant recours exclusivement à des travailleurs occupés par un sous-traitant établi dans un État membre autre [Pologne en l’occurrence] que celui dont relève le pouvoir adjudicateur, l’article 56 TFUE [sur « la libre prestation des service à l’intérieur de Union »] s’oppose à l’application d’une réglementation de l’État membre dont relève ce pouvoir adjudicateur obligeant ce sous-traitant à verser auxdits travailleurs un salaire minimal fixé par cette réglementation ».
Dans son argumentaire, après avoir écarté l’application de la directive 96/71 relative au détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, la CJUE constate qu’une telle règlementation « constitue une charge économique supplémentaire qui est susceptible de prohiber, de gêner ou de rendre moins attrayante l’exécution de leurs prestations dans l’État membre d’accueil », et en ce sens « susceptible de constituer une restriction, au sens de l’article 56 TFUE ».
La Cour observe néanmoins qu’une « telle mesure nationale peut en principe être justifiée par l’objectif de la protection des travailleurs », mais cette objectif ne semble pouvoir être atteint au regard du champ d’application, restreint aux marchés publics, de la disposition.
Enfin, cette mesure apparaît « disproportionnée » dès lors que les taux de salaire minimal sont inférieurs dans l’Etat d’implantation du sous-traitant. En effet, la Cour estime que le paiement d’un salaire minimal sans aucun rapport avec le coût de la vie prévalant dans cet autre Etat, « priverait » le sous-traitant « de retirer un avantage concurrentiel des différences existant entre les taux de salaires respectifs ».