Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que les pouvoirs publics français rendent obligatoire l’affiliation à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l’ensemble des entreprises d’un secteur, sans possibilité d’une quelconque dispense. Les autorités publiques peuvent conférer à un organisme assureur chargé d’une « mission d’intérêt économique général » le droit « exclusif » de gérer ce régime, avec obligation de l’ensemble des entreprises du secteur de s’y affilier.
C’est ce qu’affirment en substances les conclusions de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), lors de son arrêt rendu le 3 mars 2011. Saisie par le tribunal de première instance de Périgueux dans l’affaire C-437/09, la Cour a dû se prononcer sur la conformité au droit européen de la clause désignant AG2R Prévoyance pour assurer le remboursement complémentaire des frais de soins de santé pour l’ensemble des entreprises et salariés du secteur boulangerie-pâtisserie artisanale.
La Cour de Justice a tout d’abord constaté que ce régime de remboursement a été mis en place par un accord entre les partenaires sociaux du secteur, « sous la forme d’un avenant à la convention collective », et qu’un tel accord ne relève pas des règles de concurrence en raison de sa nature et son objet : « réduire les dépenses de santé qui, à défaut de convention collective, devraient être supportées par les salariés ». La Cour reconnaît donc que l’AG2R poursuit une « finalité sociale ».
Toutefois, bien que l’AG2R soit un organisme à but non lucratif qui agit sur le principe de solidarité, il s’agit d’une entreprise « exerçant une activité économique » qui se trouve dans un environnement concurrentiel sur le marché des services de prévoyance. La décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire l’affiliation à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé à l’ensemble du secteur boulangerie-pâtisserie artisanale, sans aucune possibilité de dispense, implique néanmoins nécessairement l’octroi à cet organisme du droit exclusif de percevoir et de gérer les cotisations versées dans le cadre du régime. L’AG2R détient donc un monopole légal dans cette branche, ce qui n’est pas incompatible avec le traité si l’entreprise n’exploite pas cette position dominante de façon abusive.
Par ailleurs, la Cour reconnaît que le régime se caractérise par « un degré élevé de solidarité », notamment en raison du « caractère forfaitaire des cotisations et de l’obligation d’accepter tous les risques ». Les contraintes que cela fait peser sur l’organisme assureur rendent le service fourni par ce dernier « moins compétitif qu’un service comparable fourni par des compagnies d’assurance non soumises à ces contraintes » et contribuent donc à justifier « le droit exclusif de cet organisme de gérer un tel régime, sans qu’aucune dispense d’affiliation ne soit possible ». De ce fait, la Cour reconnaît non seulement la clause de désignation mais aussi la clause de migration, dont la suppression empêcherait l’AG2R « d’accomplir ses missions d’intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiques acceptables ».