Dans un arrêt en date du 15 septembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que le refus, sans exception, d’un État membre de verser des prestations d’assistance sociale à un ressortissant d’un autre État membre, étant au chômage depuis plus de six mois, était conforme au droit européen.
L’affaire (C-67/14) oppose le Jobcenter Berlin Neukölln (Centre pour l’emploi) à la famille Alimanovic, disposant de la nationalité suédoise. Celle-ci est composée de la mère et de ses trois enfants nés en Allemagne. Mme Alimanovic et sa fille aînée ont travaillé dans le cadre d’emplois de courte durée entre les mois de juin 2010 et de mai 2011 et ont reçu des prestations sociales (allocations familiales, assurance médicale de base et autres). Ces prestations ont été octroyées au titre de la convention européenne d’assistance sociale et médicale de 1953. En effet, son article 1er pose un principe de non-discrimination, disposant que « Chacune des Parties contractantes s’engage à faire bénéficier les ressortissants des autres Parties contractantes, en séjour régulier sur toute partie de son territoire auquel s’applique la présente convention et qui sont privés de ressources suffisantes, à l’égal de ses propres ressortissants et aux mêmes conditions, de l’assistance sociale et médicale […] prévue par la législation en vigueur dans la partie du territoire considéré », et ce malgré la règle d’exclusion s’appliquant aux citoyens de l’UE au 6ème mois de cessation d’une activité professionnelle, prévue par Code social allemand. En effet, en droit, selon la hiérarchie des normes, le droit international prime sur le droit national.
Cependant, en décembre 2011, le gouvernement allemand a décidé d’utiliser le droit de réserve prévu dans la convention d’assistance. Il a ainsi déclaré qu’il « ne (s’engageait] pas à faire bénéficier les ressortissants des autres Parties contractantes, à l’égal de ses propres ressortissants et aux mêmes conditions, des prestations [de] Protection sociale de base pour les chercheurs d’emploi […]». Cela a donc impacté les droits de la famille Alimanovic.
Suite à ce changement règlementaire, le Jobcenter a révoqué les prestations sociales de la famille, qui a introduit un recours devant le tribunal du contentieux social de Berlin. Ce dernier a annulé la décision du Jobcenter, notamment sur la base du règlement 883/2004 de l’UE qui interdit toute discrimination entre citoyens de l’Union et ressortissants de l’Etat membre concerné.
Le Jobcenter a donc saisit la Cour fédéral du contentieux social, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE trois questions préjudicielles portant sur la compatibilité d’une norme nationale excluant des ressortissants d’autres Etats membres du bénéfice de certaines prestations sociales, du fait de leur qualité de demandeurs d’emploi, avec le principe de non-discrimination du droit européen.
La CJUE estime que la règle prévue par le droit social allemand dans ce cas précis, à savoir un maintien du statut de travailleur pendant une période de six mois après la cessation de l’activité professionnelle, lors de laquelle les prestations d’assistance sociale sont versées, est conforme au principe de proportionnalité du droit européen. En effet, le paragraphe 2 de l’article 24 sur l’égalité de traitement, de la directive sur la liberté de circulation (2004/38), autorise l’Etat membre d’accueil à ne pas accorder de prestations d’assistance sociale dans certains cas précis, dont celui des citoyens de l’Union entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi, afin qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour ledit Etat.
Par ailleurs, au titre de l’article 14 sur le maintien du droit de séjour, de la directive 2004/38, la Cour précise qu’il « convient de relever que l’aide accordée à un seul demandeur peut difficilement être qualifiée de «charge déraisonnable» pour un État membre, […]», et ne peut dès lors justifier une mesure d’éloignement.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, la CJUE juge que la directive 2004/38 et le règlement 883/2004 ne « s’opposent pas à une réglementation d’un Etat membre qui exclut du bénéfice de certaines « prestations spéciales en espèce à caractère non contributif » […] et qui sont également constitutives d’une « prestation d’assistance sociale » […] alors que ces prestations sont garanties aux ressortissant de cet Etat membre qui se trouvent dans la même situation ».
Pour la Commission européenne, cet arrêt représente une « clarification importante » du droit des citoyens de l’UE aux prestations sociales dans un autre Etat membre, et il sera pris en compte dans le paquet pour la mobilité de l’emploi qui sera présenté dans les prochains mois.