La Cour de justice européenne se prononce contre le « tourisme social »

Un Etat membre de l’Union n’est pas dans l’obligation d’octroyer certaines prestations sociales à des citoyens qui se rendent sur son territoire dans le seul but de bénéficier de l’aide sociale, d’après la Cour de justice de l’Union européenne.

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« Les citoyens de l’Union économiquement inactifs qui se rendent dans un autre État membre dans le seul but de bénéficier de l’aide sociale peuvent être exclus de certaines prestations sociales », c’est en ces termes qu’a conclu la CJUE dans un cas d’abus de recours à des prestations sociales en Allemagne.

 

Le Tribunal social de Leipzig (Allemagne) avait été saisi d’un litige opposant deux ressortissants roumains, Mme Dano et son fils Florin, au Jobcenter Leipzig, lequel avait refusé de leur octroyer des prestations de l’assurance de base.

 

En Allemagne, les étrangers qui entrent sur le territoire national afin d’obtenir l’aide sociale ou dont le droit de séjour découle du seul objectif de la recherche d’un emploi se voient refusés les prestations de l’assurance de base (« Grundsicherung »), lesquelles visent notamment à assurer la subsistance des bénéficiaires.

 

En réponse aux questions du Tribunal social de Leipzig, la Cour juge par son arrêt que les ressortissants d’autres États membres ne peuvent réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil que si leur séjour respecte les conditions de la directive « citoyen de l’Union ».

 

Or, selon la directive, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour. Lorsque la durée du séjour est supérieure à trois mois mais inférieure à cinq ans (période qui est en cause dans la présente affaire), la directive conditionne le droit de séjour au fait notamment que les personnes économiquement inactives doivent disposer de ressources propres suffisantes.

 

La directive cherche ainsi à empêcher que les citoyens de l’Union économiquement inactifs utilisent le système de protection sociale de l’État membre d’accueil pour financer leurs moyens d’existence. Un État membre doit donc avoir la possibilité de refuser l’octroi de prestations sociales à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui exercent leur liberté de circulation dans le seul but de bénéficier de l’aide sociale d’un autre État membre alors même qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour prétendre à un droit de séjour.

 

Le tourisme social, cheval de bataille de la Grande-Bretagne.

 

Cette décision de la CJUE satisfait en premier lieu David Cameron qui depuis deux ans revient régulièrement à la charge contre le « tourisme social » et l’immigration vers le Royaume-Uni. Menacé par le départ de son électorat vers le parti britannique populiste et eurosceptique UKIP, le premier ministre reprend les thématiques du parti en dénonçant le recours abusif aux prestations sociales des immigrés. David Cameron a d’ailleurs estimé que cette décision de la CJUE relevait du « bon sens ».
En 2013, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche avaient eux aussi émis des critiques contre les migrants européens profitant de leurs systèmes sociaux.

 

Face à ces critiques, la Commission européenne a régulièrement dénoncé l’importance disproportionnée accordée au « tourisme social » en Europe. En 2013,  un rapport du cabinet-conseil ICF-GHK commandé par la Commission européenne avait notamment conclu qu’une vaste majorité des immigrants se rendait dans un autre État membre pour travailler et non pour recevoir des avantages sociaux. Par ailleurs, ces migrants contribueraient dans l’ensemble aux finances de leur pays l’accueil, parce qu’ils paient plus de taxes qu’ils ne reçoivent d’avantages.
Le rapport soulignait en outre que les immigrants de l’UE représentent moins de 5 % des bénéficiaires de l’aide sociale dans la plupart des États membres.