Les organismes de protection sociale complémentaires et les entreprises disposant de contrats collectifs en France ne savent plus très bien sur quel pied danser, tant la portabilité des couvertures complémentaires collectives de santé et de prévoyance connait en ce début d’année des évolutions aussi essentielles que confuses.
Tout d’abord un récent arrêt de la Cour d’Appel de Lyon est venu confirmer une jurisprudence de Cour de Cassation du 7 février 2008 relative à l’application de l’article 4 de la Loi Evin (voir encadré) et a ainsi sensiblement durci la lecture du texte.
L’article en question vise en effet à prolonger la couverture collective des anciens salariés (et notamment des retraités), en leur offrant l’accès à des garanties individuelles similaires, à un tarif ne pouvant pas excéder 150% du tarif applicable aux actifs. Cependant de nombreuses incertitudes ont dominé quant à l’application de ce texte : la couverture doit elle être équivalente ou identique ? Doit-elle être viagère ? Que faire en cas de modifications des garanties du contrat collectif ?
Jusqu’ici la jurisprudence avait considéré que des garanties « sensiblement similaires » suffisaient (TGI Lyon 29/10/2004).
Les deux arrêts récents exigent désormais des garanties identiques, peu important que de telles garanties ne bénéficient plus aux salariés encore actifs depuis le départ du demandeur et qu’elles ne soient même plus proposées par l’organisme assureur.
Si cette lecture plus rigoureuse est en faveur d’une meilleure protection des retraités et titulaires de pension à première vue, elle pourrait leur devenir défavorable en conduisant à un désengagement des employeurs et des organismes assureurs à plus long terme.
Ensuite devait entrer en vigueur au 19 janvier une disposition de l’article 14 de l’accord national interprofessionnel [ANI] du 11 janvier 2008 créant un mécanisme de portabilité des garanties prévoyance et santé en faveur des salariés qui viennent de perdre leur emploi, venant renforcer à certains titres l’article 4 de la Loi Evin de 1989.
L’accord diffère de la loi en ce qu’il prévoit un maintien des mêmes garanties non seulement en matière de santé mais également en prévoyance, qu’il s’adresse exclusivement aux salariés bénéficiant de l’assurance chômage, pour une durée encadrée (de 3 mois à 1/3 de la durée d’indemnisation) et requiert un financement conjoint de l’employeur et du salarié dans les mêmes proportions qu’antérieurement ou par la mise en place d’un outil spécifique.
Un certain nombre de difficultés techniques ont amené les signataires à reporter au 1er mai 2009 au plus tard l’exigibilité de cette obligation; en effet, le texte soulève un certain nombre d’obstacles : tout d’abord il intègre dans son champs d’application les salariés après « rupture [du contrat de travail] ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage » : sachant qu’un Contrat à Durée Déterminée arrivant à terme peut ouvrir un droit à l’assurance chômage, sans que cela constitue une rupture du contrat, la disposition de l’article 14 lui est-il applicable ?
Dans la revue « Réponse », Barbara Heurtier du service juridique de la FNMI (Fédération nationale de la Mutualité interprofessionnelle), dresse la (longue) liste des incertitudes : Faut-il ouvrir les droits à partir de la date de rupture du contrat de travail ou du début de l’indemnisation Assedic1 ? Que deviendra le maintien des droits en cas de disparition de l’entreprise? Le système de mutualisation défini par accord collectif fait-il référence aux désignations d’organismes assureurs au niveau des branches ou à la négociation au niveau de l’entreprise? L’assiette de la cotisation sera-t-elle le salaire de remplacement ou les derniers salaires d’activité? Quel sera le taux de la cotisation sachant que la répartition salarié-employeur ne sera pas modifiée? L’accord doit-il être transposé par un avenant au contrat des actifs (loi Evin) ou par un contrat autonome, l’enjeu portant sur le maintien de la garantie décès pendant la période d’incapacité-invalidité? Le caractère obligatoire de la poursuite des garanties cofinancées s’impose-t-il à l’ancien salarié?
La CFDT a demandé que les signataires réunissent rapidement les organismes complémentaires santé et prévoyance pour vérifier la nature des difficultés techniques invoquées et garantir la mise en œuvre des dispositifs dans le respect des objectifs visés par les signataires de l’ANI du 11 janvier 2008.
1 Assedic: assurance chômage