Surenchères libérales contre le modèle paritaire français
Le paritarisme à la française, un modèle obsolète et dispendieux ? La critique est ancienne mais émerge à nouveau dans le débat public à l’occasion des prochaines élections présidentielles. Parmi les candidats aux primaires de la droite et du centre, Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont particulièrement distingués par leur virulente remise en cause du paritarisme de négociation et de gestion. La faible représentativité des partenaires sociaux les disqualifieraient de facto pour conclure puis participer à la mise en place d’accords conclus au niveau interprofessionnel ou à l’échelle d’une branche. En outre, les partenaires sociaux sont accusés de complexifier les normes sociales et de gérer de façon calamiteuse les organismes de protection sociale dont ils ont la charge. Dans une tonalité proche, le think-tank l’Institut de l’Entreprise de conviction libérale affichée, vient de publier une étude intitulée : « Faut-il en finir avec le paritarisme ? ». Longue de 70 pages, cette étude est une charge virulente contre la gestion paritaire des organismes de protection sociale. Son auteur, Jean-Charles Simon a été numéro 2 du Medef sous le mandat de Laurence Parisot. Il est aujourd’hui cadre dirigeant au sein du réassureur SCOR, chantre d’une vision très libérale du secteur assurantiel. Ces critiques demeurent toutefois excessives et idéologiques pour de nombreux observateurs qualifiés. Si le système de gestion paritaire demeure perfectible – de l’aveu même de ses promoteurs – son bilan est certainement moins sombre que la présentation caricaturale qui en est faite par ses contempteurs.
Grand contempteur des « corps intermédiaires », Nicolas Sarkozy s’est illustré le 1er septembre derniers lors de son discours prononcé lors de l’Université d’Été du Medef avec une charge assez virulente contre le modèle paritaire. Pour l’ancien chef de l’État, le « paritarisme n’est que l’autre mot de l’immobilisme ».
Un diagnostic partagé par certains cercles patronaux. A l’image de l’étude publiée récemment par l’Institut de l’Entreprise où son auteur, cadre dirigeant chez le réassureur Scor, présente le paritarisme comme « un obstacle à la modernisation de la France et à sa compétitivité : il empêche ou freine la réforme dans les domaines sociaux de par son processus consensuel entre organisations antagonistes ; il tend à accroitre le champ de la protection sociale complémentaire ainsi que la création de normes juridiques supracontractuelles entre les relations de travail. »
Un rapport idéologiquement orienté ? En termes de paritarisme de négociation, on peut relever une contradiction apparente chez un tenant d’une ligne très libérale de vouloir laisser le monopole de l’élaboration de la norme sociale au seul législateur, comme le souligne avec justesse Jean-Chrisophe Chanut du quotidien La Tribune.… Au niveau du paritarisme de gestion, Jean-Charles Simon étrille la gestion des régimes AGIRC-ARRCO pourtant longtemps présentée comme exemplaire dans les différents rapports annuels de la Cour des Comptes – avant le creusement de son déficit lié à la crise et au vieillissement de la population. Dans ce cas, autre paradoxe apparent, ce sont les organisations professionnelles que l’auteur accable pour avoir augmenté leur cotisation dans le financement du régime lors de la signature de l’accord national interprofessionnel du 30 août 2015… Accord qui rappelons-le, avait été signé par les partenaires sociaux pour s’assurer de la viabilité du régime, aujourd’hui lourdement déficitaire, à l’horizon 2020. Une étude qui apparait donc plus comme un plaidoyer pro domo en faveur des assurances proposant des « produits retraites » individualisés plus qu’une volonté éclairée de réformer le système.
La nécessité de réformer le paritarisme est toutefois urgente et indispensable. En juin 2016, une mission d’information parlementaire sur le paritarisme, animée par le député UDI Arnaud Richard et le député socialiste Jean-Marc Germain, a rendu ses conclusions en ce sens. Après neuf mois de consultation des différents acteurs de la démocratie sociale, les parlementaires ont avancé plusieurs pistes pour réformer le modèle sans atteindre son principal objectif : faire vivre la solidarité.
Décrier le paritarisme pour des motifs essentiellement budgétaires revient à négliger voire à condamner le dialogue social dans son ensemble. Le paritarisme demeure un « élément clé de pacification des relations sociales » pour l’enseignant-chercheur Mickael Cicciotelli. Dans le contexte économique et social actuel, la France peut donc difficilement faire l’économie d’un tel outil.
L’Ipse rassemble onze entités paritaires en son sein. Elle est aussi liée à des institutions historiques du paritarisme en France telles que l’Agirc-Arrco et le Ctip. Au niveau européen, des organismes de protection sociale (Néerlandais, Suédois, allemands…) ainsi que l’AIEP (Association Européenne des Institutions Paritaires) sont également partenaires de l’Ipse A ce titre, notre association entend prochainement donner la parole à l’ensemble de ces institutions – par ailleurs signataires et promotrices de notre Charte européenne des entreprises la Protection sociale – afin de présenter sous un jour moins caricatural leur action pour une protection sociale efficiente et solidaire.