Timothée Duverger Stéphane Junique entretiens réalisés par Jean Chezaubernard

Un livre en forte résonance avec la situation sociale en France, avec des constats sur la montée des inégalités, la précarité, la fracture territoriale et la casse des outils ayant permis historiquement la construction des solidarités collectives.

Les propos des interviewés Timothée Duverger historien spécialiste de l’économie sociale et solidaire et Stéphane Junique Président d’Harmonie Mutuelle et de VYV Care portent en principal sur une société du « mieux vivre » n’excluant personne. Leur thèse, une alliance stratégique entre L’État et la multitude d’acteurs œuvrant pour l’intérêt général.

Les constats : Le système est à bout souffle dans une société structurée par la juxtaposition de blocs

Les constats sont partagés par un grand nombre aujourd’hui sur les plans économique et social, ces constats sont élargis dans ce livre d’entretiens à la crise du sens (quel sens donné à ma vie) et à la crise de notre rapport au temps. Ainsi les jeunes, « s’ils n’ont pas la nostalgie du passé, ils ont l’angoisse de l’avenir et se réfugient dans le présent » selon Timothée Duverger. Stéphane Junique met l’accent quant à lui sur les inégalités de santé, qui s’ajoutent aux inégalités sociales et géographiques.
Les mutations en cours avec notamment les nouvelles formes de travail ou la fragmentation de la société conduisent selon les interlocuteurs à la mise en place des « protections sociales adaptées » sans provoquer l’éclatement des formes collectives de solidarité. Bien au contraire selon eux, car le système de protection sociale est le ciment de la République et qu’il convient de lui redonner de l’ambition. « Dans cette refondation « protéger », ce n’est plus seulement réparer ou apporter un revenu de substitution à ceux qui en ont besoin, c’est aussi équiper les individus d’outils et de moyen pour ne pas rester seuls face aux difficultés » Stéphane Junique.

Après les constats comment faire commune humanité

La proposition de Stéphane Junique est de créer un pôle se solidarités actives en matière de santé porteuse selon lui de trois ambitions. La première est de défendre et de légitimer le rôle et place des acteurs de solidarités spontanées, la deuxième est de faire des stratégies d’investissement social une priorité, la troisième est de renouer avec un discours fort sur la confiance des acteurs de la société. C’est de fait un appel à toutes celles et à tous ceux qui refusent de se résigner face aux inégalités et souhaitent participer à de nouvelles formes de solidarité.

Cette invitation est adressée aux acteurs de l’économie sociale et solidaires pour qu’ils agissent davantage ensemble, elles regroupent bien entendu les acteurs de la protection sociale et solidaire. Les acteurs de l’entreprendre autrement se définissent de moins en moins par leurs statuts, mais par leurs projets à but lucratif ou à lucrativité limitée et leur Gouvernance.

Pour Timothée Duverger la question qui se pose, est surtout le renouvellement des élites, dans le but d’une ouverture à la société et afin de favoriser les mobilités sociales.

Au cœur du projet présenté la co-construction de l’intérêt général, avec pour les acteurs de la cohésion sociale, le rôle de défricheur des possibles, et de porteur de l’innovation sociale dans le but ’orienter les politiques publiques. A travers l’accompagnement des parcours, en coordonnant les interventions tout au long de la vie sur le périmètre du socle européen des droits sociaux. Car c’est effectivement un projet à dimension européenne.

L’Europe sociale existe-elle encore, telle est une question posée aux interlocuteurs, la réponse de Timothée Duverger est plutôt non, celle de Stéphane Junique est construite sur le constat, que celle-ci n’était une priorité en soi au début du projet européen, tout en rappelant les principales dates référentes dans ce domaine depuis la création de la communauté européenne.

Leur réponse commune finale est que le social n’est pas un marché, et que les exigences de rentabilité ne sauraient s’appliquer à la vulnérabilité humaine.

Le livre se conclut par 5 propositions pour un pôle des solidarités actives qui de fait compose un appel à sa constitution.

• Promouvoir un label pour les produits et services du pôle des solidarités actives
• Agir pour un socle de droits universels garanti pour chaque citoyen
• Œuvrer pour la reconnaissance des modèles alternatifs non lucratifs en Europe
• Réorienter enfin la politique de santé vers le temps long de prévention
• Mettre en place le chèque de l’engagement citoyen

Jean-Claude Genêt