Par Jean-Pierre Bobichon, Ancien fonctionnaire européen, administrateur de l’Ipse
C’était le 22 janvier 1963… C’était il y a 50 ans… Le Traité dit de l’Elysée était solennellement paraphé par le Président de la République française : Charles De Gaulle et par le Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne : Konrad Adenauer dans le salon Murat du Palais de l’Elysée.
Il a été contresigné par Georges Pompidou – Premier Ministre – Maurice Couve de Murville -Ministre français des Affaires étrangères et Gerhard Schroeder – Ministre fédéral des Affaires étrangères –
Ce Traité fixe en deux pages « l’organisation et les principes de la coopération entre deux Etats ». Il fixe des dispositions dans plusieurs domaines : Affaires étrangères, Défense, Education et Jeunesse.
Cet événement marquant pour l’Histoire de l’Europe s’est déroulé onze ans après la déclaration de Robert Schuman, qui fixe l’acte fondateur de ce qu’est devenu l’Union européenne. Le Traité de l’Elysée est en quelque sorte un premier pas significatif pour se donner les moyens politiques et organisationnels afin de concrétiser l’objectif premier de la construction européenne : la Paix – Plus jamais la guerre entre nous !!
Cet objectif – et heureusement – est aujourd’hui atteint entre les Etats membres de l’Union européenne. Celui-ci reste d’actualité quand on constate la fragilité de certaines nouvelles démocraties sur le territoire européen, il est encore plus présent quand l’Union européenne tente d’assumer ses responsabilités avec le reste du monde.
Une cérémonie officielle se déroulera le 22 janvier 2013 à Berlin au Reichstag, réunissant une séance commune de travail entre les membres du Bundestag et ceux de l’Assemblée nationale française en présence de la Chancelière et du Président de la République. Jacques Delors ancien Président de la Commission européenne assistera à cet évènement et s’exprimera à cette occasion.
Depuis septembre 2012 et jusqu’en juillet 2013 « l’Année franco-allemande » permet de coïncider avec l’année scolaire pour faire en sorte que les jeunes générations soient au cœur des principales catégories de citoyens européens – mais pas exclusivement – du message qui est l’approche commune : « l’amitié franco-allemande, ça change notre vie »
A signaler une initiative citoyenne parmi d’autres : « Je veux l’Europe. » Une occasion pour chacune et chacun d’entre nous d’être acteur de cette année européenne des relations franco-allemande : www.jeveuxleurope.fr
Un Erasmus restreint
C’est par la jeunesse que se construiront des relations durables, d’où l’idée de mettre en place un Office Franco-Allemand de la Jeunesse – l’OFAJ – Cet outil n’est pas à ringardiser, il est certainement a adapté en fonction de l’évolution des relations franco-allemande. Il est un vecteur permettant de dynamiser les échanges entre jeunes allemands et français, une sorte d’Erasmus restreint. Il faut revenir 50 ans en arrière : rien n’existait, tout était à construire !!
C’est en juillet prochain à Paris que sera marqué le 50e anniversaire de l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse.
Aujourd’hui ce sont 200 000 échanges de jeunes par an, 8 millions depuis 1963…autant de souvenirs personnels, de couples qui se sont construits, qui ont fait leur chemin, de naissances d’enfants franco-allemands, de diffusion de la culture française et allemande, de l’apprentissage réciproque de la langue, de jumelages de villes, d’écoles, d’université, de rencontres et de coopérations de mouvements de jeunesse…
C’est aussi 80000 jeunes qui fréquentent des classes bilingues, 8000 étudiants allemands en France, 6000 étudiants français en Allemagne, 1067 candidats français reçus au bac franco-allemand en 2012, 15,3% des jeunes du secondaire en France apprennent l’allemand et 22% des jeunes allemands du secondaire apprennent le français
Les symboles
Ils ne remplacent pas des indispensables politiques, ils ne suffisent pas, mais ils sont des temps forts qui marquent l’esprit des populations, rappelons-nous quelques faits significatifs qui illustrent les relations franco-allemande. Parfois les symboles valent bien certains discours :
– La poignée de main entre Helmut Kohl et François Mitterrand le 22 septembre 1984 à Verdun,
– Le 40e anniversaire du Traité de l’Elysée le 22 janvier 2003, Jacques Chirac Président de la République française et Gerhard Schröder Chancelier de la République fédérale d’Allemagne, fut célébré au château de Versailles, là où le Chancelier Bismark avait proclamé la naissance de l’empire allemand en janvier 1871,
– Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont aussi marqué les relations franco-allemandes en déposant – ensemble – une gerbe commune sur la tombe du soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe à Paris, à l’occasion du 91e anniversaire de l’Armistice franco-allemand mettant fin à la guerre 1914/1918.
– Lors de la remise du Prix Nobel de la Paix à Oslo le 11 décembre dernier, à l’Union européenne, c’est ensemble qu’Angela Merkel et François Hollande se sont levés pour saluer les participants en brandissant chacun un bras noué par leurs mains respectives.
Au plan syndical
Le 5e forum syndical franco-allemand se tiendra le 22 janvier à Paris. Il regroupe le DGB, l’organisation syndicale allemande, la CFDT, la CFTC, la CGT, FO et l’UNSA ; toutes membres de la Confédération Européenne des Syndicats – CES – qui va célébrer tout au long de cette année le 40e anniversaire, en 1973, de sa création.
Le thème des réflexions et propositions du forum de cette année sera centré sur « Les enjeux de la compétitivité : Concepts, réalités et stratégies ». A cette occasion un bilan de la compétitivité du point de vue français et allemand sera établi, un regard sectoriel de la compétitivité dans l’industrie et l’agroalimentaire sera débattu, avant de tenter de répondre à quelques questions centrales : comment l’Europe se positionne-t-elle dans la compétition internationale ? Quelles sont les réponses et les stratégies des organisations syndicales ?
Apporter cette dimension sociale aux relations franco-allemandes est une nécessité encore plus forte qu’il y a 50 ans.
Et l’avenir
Je ne résiste pas à faire référence à la superbe conférence qui s’est déroulée le 5 décembre dernier à Bruxelles au Parlement européen dans une salle pleine à craquer : La rencontre de deux grand européens Helmut Schmidt, ancien Chancelier de la République fédérale d’Allemagne du temps de la période de la « Guerre froide », et Jacques Delors. C’était émouvant et motivant.
Parmi des propos forts pour tenter de réveiller les consciences, retenons ceux par lesquels Helmut Schmidt met en garde : « …Si l’on poursuit les politiques actuelles, je n’exclus pas la possibilité de voir l’Union européenne éclatée… » et Jacques Delors d’affirmer : « …L’Union est en danger, non seulement à cause de la crise mais aussi à cause de la mondialisation. L’esprit européen a disparu. On assiste au retour d’un nationalisme rampant, à un égoïsme à courte vue, à un manque de vision… »
Autant d’alertes sérieuses qui devraient être prises en compte par les responsables politiques européens et nationaux. A la société civile, aux citoyens de se mobiliser pour assurer la poursuite d’une construction européenne adaptée à notre époque mais fidèle aux fondamentaux des Pères de l’Europe.
Puiser dans ces 50 années d’Histoire pour continuer d’aller de l’avant dans les relations franco-allemandes, base indispensable de la poursuite de l’aventure européenne, c’est indispensable ! C’est incontournable !
Ce sont les moments privilégiés où il est possible d’établir des bilans, de s’adapter aux nouvelles donnes et enjeux européens. Le couple franco-allemand est le socle sans lequel rien ne peut avancer en Europe. Mais en même temps, il faut prendre en compte les nouvelles réalités européennes : il n’y a plus six membres dans famille de l’Union européenne, mais 27 et à partir de juillet prochain, 28 avec l’adhésion de la Croatie.
Le couple franco-allemand doit continuer à jouer tout son rôle, mais en même temps, il ne doit pas être exclusif. Il doit être compris et se faire comprendre par les autres Etats membres de l’Union européenne.
N’oublions jamais que l’Unité de l’Europe se réalise dans les diversités et que chacun des Etats membres est à égalité de droits et devoirs au regard des Traités. Respecter ces fondamentaux, c’est respecter les cinq cent millions de femmes et d’hommes que constituent l’Union européenne.
Pour en savoir plus :
– « 50 ans de relations franco/allemande » par les historiens Reiner Marcowitz et Hélène Miard-Delacroix – édition Nouveau Monde – 234p. 24 euro,
– Site Notre-Europe-Institut Jacques Delors : www.notre-europe.eu
– La coopération franco/allemande au cœur du projet européen – étude réalisée par Alain Terrenoire rapporteur au nom du Conseil Economique Social et Environnemental – CESE – Publiée en français et en allemand. www.lecese.fr