Déjouant tous les pronostics, le Portugal vient d’annoncer la réduction de son déficit public à 2% de son PIB – du jamais vu depuis 1974. Par la voix de son premier ministre, Antonio Costa, le gouvernement lusitanien prospecte pour un retour à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2020. Depuis son arrivée au pouvoir fin 2015, le gouvernement socialiste a enregistré une baisse sensible du taux chômage et rehaussé de 9% le salaire minimum. Appuyé au parlement par les communistes et le Bloc de Esquerda (formation anti-austérité), l’exécutif portugais bénéficie d’une côte de popularité assez élevée dans l’opinion. Après avoir connu des années de politique d’austérité, le Portugal s’engage à nouveau sur la voie de la croissance, aidé en cela par un boom touristique et un net regain des exportations. Rompant avec les remèdes de cheval la Troïka, le Portugal est-il pour autant définitivement sorti d’affaire ?
Un indice de confiance des consommateurs au plus haut depuis 2000, un taux de chômage au plus bas depuis 2010, la situation économique du Portugal présente des signaux plutôt encourageants. Pourtant, à son arrivée au pouvoir en novembre 2015, le gouvernement socialiste était dans le viseur de la Commission pour ses velléités de rupture avec les logiques d’austérité. Pour former une majorité au Parlement, le premier ministre Antonio Costa s’était en effet appuyé sur les communistes et le Bloc de Esquerda – une formation revendiquant sa proximité avec les espagnols de Podemos. Elle bénéficie même de la bienveillance du Président de la République, pourtant issu des rangs du centre-droit.
Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement est revenu sur les principales mesures engagées par l’ancienne majorité de centre-droit. Il a ainsi supprimé les coupes dans les revenus des fonctionnaires, allégé une surtaxe sur les salaires, revalorisé les prestations sociales. Tentant de rassurer ses partenaires européens et les investisseurs étrangers, l’exécutif s’est toutefois confronté à plusieurs reprises aux remontrances de la Commission européenne. Celle-ci a en effet menacé le pays de sanctions si le Portugal ne respectait pas ses recommandations budgétaires. Adoptant une difficile position d’équilibriste, le gouvernement, pour juguler les déficits, a augmenté de nombreux impôts indirects, instaurant notamment des taxes sur les sodas et des prélèvements sur le patrimoine foncier des contribuables les plus aisées.
Pour certains observateurs, l’actuel gouvernement bénéficie tardivement des mesures draconiennes adoptées entre 2011 et 2014 par l’ancienne majorité. Pour rappel, le gouvernement avait accepté un plan d’aide international de 78 milliards d’euros émanant de la « Troïka » – rassemblant la Commission européenne, le FMI et la Banque Centrale européenne – en contrepartie de réformes structurelles visant à alléger le déficit et la dette publique du pays. Toutefois, ces mesures appliquées avec zèle par l’ancienne majorité, n’ont permis qu’en apparence de sortir le pays du marasme. Si le pays a pu se soustraire au plan d’aide en mai 2014, le taux de pauvreté a toutefois sensiblement augmenté dans les franges les plus fragiles de la population (jeunes, retraités, travailleurs précaires). Illustration des effets négatifs de ces remèdes de cheval, l’émigration des jeunes portugais a atteint en l’espace de trois ans un niveau comparable à celui des années 60.
« L’allègement de l’austérité à la marge » prôné par le premier ministre M.Antonio Costa, en soutenant la relance de la consommation et en augmentant les impôts pour les classes aisées, semble produire des effets bénéfiques pour l’économie portugaise. Si un regain d’enthousiasme s’observe aujourd’hui dans la population, la prudence demeure de mise pour de nombreux observateurs qualifiés. La dette publique demeure en effet à taux très élevé (130% du PIB). Sur le plan politique, l’équilibre de la coalition anti-austérité est précaire, les formations situés à la gauche du gouvernement lui reprochant une certaine frilosité dans l’application de son programme. Notable exception en Europe, les conséquences de la crise n’ont pas favorisé l’émergence de formations xénophobes et démagogiques. Ce qui n’est pas rien.