La protection sociale des travailleurs autonomes est un enjeu de taille d’autant plus que ce statut tend à se développer. Des acteurs tentent d’offrir des solutions, comme c’est le cas de Smart qui permet à ses sociétaires travailleurs autonomes de développer leur activité économique dans un cadre sécurisé. Cette organisation prodigue des réponses concrètes à ces travailleurs, elle les conseille, leur donne des formations et des outils administratifs, juridiques, fiscaux et financiers pour simplifier et légaliser leur activité professionnelle. Cette bonne pratique peut vous inspirer en ce début d’année 2019. C’est pourquoi nous avons interviewé Sandrino Graceffa, administrateur délégué chez Smart.
- SMart, qu’est-ce que c’est ? Et pourquoi une coopérative ?
SMart est une entreprise partagée par des milliers de travailleurs autonomes de tous horizons qui s’associent, dans la forme d’une société coopérative à finalité sociale, et dont ils empruntent la personnalité juridique pour se doter des moyens de développer en toute autonomie leurs propres activités économiques et de se procurer des revenus socialisés et fiscalisés. Ces moyens mutualisés portent d’abord sur les services généraux habituels dans toute entreprise (facturation, déclaratif social et fiscal, gestion, etc.) accessibles via une plateforme numérique, mais également sur la couverture des risques (financiers, commerciaux et du travail) et sur un accompagnement individualisé. Enfin, depuis quelques années, ce sont les outils de production eux-mêmes qui sont partiellement mutualisés (machines, outillage, matériel, espaces de travail). SMart est présente dans plus de 40 villes dans 9 pays européens et génère près de 200 millions d’euros de chiffres d’affaires, concernant plus de 35.000 travailleurs chaque année.
La coopérative porte en elle-même notamment les valeurs suivantes auxquels nous croyons et qui sont implémentées au sein de SMart :
- La solidarité : l’accès à l’entreprise partagée SMart est garanti à toutes et tous ;
- L’égaliberté : la diversité de nos sociétaires, de leurs pratiques et de leurs activités est pour nous le meilleur garant d’un développement de SMart tendant vers l’égaliberté de chacun ;
- La démocratie : citoyenne, participative, holacratique ou horizontale, elle est une valeur essentielle mise en œuvre au sein de notre coopérative par l’instauration d’une démarche permanente visant à assurer une gouvernance participative (démarche « SMart in Progress ») ;
- L’autonomie : elle est la condition nécessaire du ré-ancastrement de l’économie dans la société, qui devra s’appuyer sur la réappropriation par les travailleurs de la valeur de leurs travails ;
Enfin un aspect qui me semble particulièrement intéressant, c’est de se rendre compte que notre coopérative pouvait aussi être un lieu de mixité sociale et culturelle. En effet, on a en quelque sorte réussi, en toute modestie, a créer les conditions nécessaires pour que les gens, issus de tous les secteurs, puissent se rencontrer, s’apprécier, se considérer comme collègues, devenir amis, créer du lien social, monter des projets ensemble…L’entreprise collective devient un vrai lieu de sociabilité, de renforcement des liens sociaux, du construire-ensemble et du mieux-vivre ensemble.
- SMart offre un grand espace de coworking à ses membres. Quels enseignements en tirez-vous ? Les projets emblématiques en la matière ?
Pionnier en Belgique et en France en matière d’espaces de travail partagés (« coworking ») pour les métiers de la création, SMart est devenue au fil des années partie prenante de nombreuses initiatives visant à la création d’espaces de travail mutualisés. Avec ces tiers-lieux, des porteurs de projet peuvent bénéficier à moindre coût de services plus difficilement accessibles autrement. Ces espaces misent notamment sur la dynamique du partage, l’effet de proximité entre les occupants et la fertilisation croisée des projets. Une étape supplémentaire a été franchie en 2017 avec l’inauguration de la KOP dans nos locaux à Saint-Gilles. Cet espace de coworking est devenu en quelques mois un lieu de rendez-vous et de travail apprécié. Par ailleurs, toujours dans nos locaux à Saint-Gilles, la Brussels Art Factory (BAF) propose aux créateurs des ateliers sur quatre étages d’un vaste bâtiment. Il y a aussi lieu de mentionner le centre LaVallée situé à Molenbeek. Il héberge aujourd’hui environ 150 occupants qui exercent des métiers variés. LaVallée a pour vocation première de proposer des services logistiques de soutien à la production artistique et aux travailleurs autonomes. Son objectif principal est de donner vie à un tiers-lieu, un espace de travail, de rencontre et de partage pour les porteurs de projet. Régulièrement, des évènements, destinés à faire se rencontrer les occupants et des porteurs de projet non-occupants, sont organisés. Des expositions sont aussi organisées : en 2017, on estime que pas moins de 300.000 visiteurs sont passés par LaVallée pour l’un ou l’autre évènement. Enfin, plus récemment, SMart a développé ou est en train de développe deux projets d’envergure en la matière en France : le futur Saint-So Bazaar, une ancienne halle ferroviaire de 5000 m2 qui sera dédiée à l’économie créative à Lille et le projet de la Halle Tropisme situé à Montpelier à la fois en tant que partenaire financier et partie prenante. Dans bâtiment de 1913 qui abritait les ateliers de mécanique de l’armée et qui deviendra un lieu culturel et entrepreneurial, la coopérative SMart s’installera dès son ouverture en Janvier 2019 pour mette à profit son expérience en terme d’animation des tiers lieux et son réseau européen au service du projet.
- Le socle européen de droits sociaux est-il un levier pour les projets de demains de votre coopérative? Si oui, lesquels?
Le fait même que l’UE ait lancé le Socle Européen de Droits Sociaux (SEDS) est en soi positif car cette initiative permet d’aborder les préoccupations sociales au niveau européen. SMart salue l’objectif de donner accès à la protection sociale (au sens large) à tous les travailleurs car nous sommes partisans d’une couverture sociale la plus inclusive possible pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut (indépendant ou salarié). En particulier, le SEDS est intéressant parce qu’il aborde la question des travailleurs dans la zone grise de l’emploi (tels les travailleurs autonomes), population qui a trop longtemps été délaissée des politiques sociales. L’accès à la protection sociale des travailleurs autonomes est au cœur des actions d’aujourd’hui et de demain de SMart, puisque nous donnons, entre autres, accès au salariat à des personnes qui devraient sinon être indépendantes alors même qu’elles ont besoin de protection sociale. Au plus ces travailleurs auront accès à la protection sociale, au plus le modèle solidaire de SMart aura de force. Il s’agit donc à nos yeux d’un pas dans la bonne direction mais qui gagnerait à être plus contraignant (il s’agit principalement de recommandations), cette approche réduisant de facto l’implémentation homogène et efficace de l’initiative.