L’accession de la Chine au rang d’économie de marché au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce continue de susciter la controverse dans le débat européen. Sommée – de par ses obligations au sein de l’organisation internationale dévouée à l’établissement des règles régissant le commerce entre les pays – de donner son avis sur la révision de ce statut avant le 11 décembre, la Commission européenne se trouve dans le plus parfait embarras. A plusieurs reprises, le Parlement européen a alerté les instances exécutives de l’UE sur les risques liés à l’octroi d’un tel statut. Reconnue comme une économie de marché, la Chine serait en effet considérée comme une nation égale lors du traitement des différends commerciaux. Dans cette perspective, l’UE aurait de grandes difficultés à imposer des droits de douane aux entreprises chinoises pour pratiques déloyales de dumping du prix des produits.
Le 9 Novembre, la Commission a présenté ses principales mesures pour renforcer ses outils de défense commerciale. A l’annonce de ces mesures, syndicats et industriels de l’acier, réunis lors d’une manifestation à Bruxelles le même jour, ont communément fait part de leur déception. Pour l’exécutif européen le dilemme reste de taille : comment protéger l’industrie européenne sans contrevenir aux règles de l’OMC ?
La Commission marche sur des œufs. Les européens sont particulièrement divisés devant la révision de ce statut. Au niveau du Conseil, certains pays, historiquement attachés au libre-échange et hostiles au protectionnisme (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark) s’avèrent hostiles devant la « règle du droit moindre » défendue par un groupe de treize pays emmenés par la France et l’Allemagne. Cette règle, prévue par les statuts de l’OMC permettrait à l’UE d’imposer des règles de droits de douane bien plus élevés que dans les normes actuelles. Cette mesure est présentée par ses promoteurs comme indispensable pour protéger certains secteurs industriels exposés à une intense concurrence tels que la sidérurgie ou le photovoltaïque.
Pressée par l’échéance de l’OMC, la Commission a donc présenté ses propositions en matière de défense commerciale. Sans se prononcer sur la révision du statut de l’économie chinoise, l’exécutif européen cherche à établir des mesures de rétorsions ciblées face au dumping chinois. La Commission propose en effet d’augmenter sensiblement les taxes imposables aux industriels une fois le dumping avéré après enquête de ses services. Des mesures rétroactives pourraient en outre être contractées contre les industries coupables de concurrence déloyale. Ce changement de paradigme de l’exécutif européen peut laisser songeur. Il est surtout motivé pour des raisons politiques. La Commission redoute en effet de laisser le terrain libre aux eurosceptiques sans réponse forte face à un phénomène qui menace plusieurs dizaines de milliers d’emplois en Europe. Le montant des amendes pourrait également être plus élevé. Les pénalités pourraient en effet atteindre 200% du prix à l’importation au lieu de 70%. Les européens s’inspireraient ainsi du modèle américain en la matière.
Ces différentes mesures n’ont toutefois pas contribué à rassurer syndicats et organisations professionnelles. De nombreux parlementaires européens ont aussi fait part de leur déception. Les critiques portent notamment sur le fait que la Commission ne s’engage pas à refuser définitivement l’accès pour la Chine au statut d’économie de marché. En refusant de se montrer plus offensif, l’exécutif européen ménage de fait l’un de ses principaux concurrents mais aussi second partenaire commercial. En ne proposant aucun texte plus ambitieux qu’une «réforme de la méthodologie de calcul du dumping pour les importations», la Commission acte de « dix années de retard » selon le mot de l’eurodéputé ALDE (centre-démocrate) Nathalie Grisbeck. L’ancien leader syndical d’Arcelor Mittal et eurodéputé S&D Edouard Martin évoque quant à lui sa crainte d’un « bain de sang industriel » devant le manque d’ambition de la Commission.
A l’annonce des mesures de la Commission, la Chine a invité l’exécutif européen à revoir sa copie en la jugeant « contraire aux règles de l’OMC ». Le difficile numéro d’équilibriste de la Commission sur ce dossier laisse planer des doutes sur sa capacité à résister au géant chinois.