Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP)

Rencontre sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP)

 

avec Édouard Bourcieu, Conseiller commercial à la Représentation de la Commission européenne à Paris le 8 mars 2016.

 

Délégation de l’Ipse : 

  • Dominique Boucher, Délégué général
  • Annie-Claude Blondin, Adjointe au Délégué général
  • Jean-Pierre Bobichon, Administrateur
  • Pietro Romano, Chargé de missions Europe

I – Contexte

 

Les négociations relatives au traité international nommé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » (TTIP) constituent un dossier de grand intérêt pour les adhérents de l’Ipse, qui ont déjà eu l’occasion d’approcher et de débattre sur le sujet lors d’une commission Synergie en décembre 2014.

 

Pour rappel, en 2013 les pays membres de l’UE ont mandaté la Commission européenne pour négocier le traité. Selon les indications de la commissaire au commerce, Cécilia Malmström, ces négociations devraient se conclure avant la fin de 2016. Toutefois, il reste de nombreux aspects qui doivent être éclaircis et réglés, qui tiennent tant à la transparence de ces négociations qu’à des aspects techniques tel le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.

 

Afin d’avoir un éclairage sur ces points, à l’initiative de son Délégué général et de la commission Synergie, l’Ipse a organisé par l’entremise de Jean-Pierre Bobichon (membre fondateur et toujours en lien avec la Commission Européenne) une rencontre avec Édouard Bourcieu, ancien membre du cabinet de la commissaire Cécilia Malmoström et actuellement en charge de ce dossier à la Représentation de la Commission européenne à Paris. Cet entretien s’est tenu peu après le douzième cycle de négociations qui a eu lieu à Bruxelles, du lundi 22 au vendredi 26 février 2016.

 

II – Principaux éléments de l’entretien

 

1 – La Délégation de l’Ipse a été reçue par Édouard Bourcieu dans les bureaux de la Commission européenne à Paris, mardi 8 mars 2016.

 

Après présentation par Dominique Boucher des orientations de l’Ipse et de ses diverses activités liées au monde de la protection sociale, le délégué général insiste particulièrement sur l’intérêt porté par les adhérents de l’Ipse concernant le traitement du TTIP dans ses logiques.

 

Il rappelle également l’intervention de Pierre Defraigne lors de la 41e Rencontre Ipse de Lisbonne  en avril 2015 portant sur les enjeux du TTIP.

 

2 – Édouard Bourcieu fait un bref rappel des divers accords commerciaux conclus avec d’autres pays tiers, et cite à titre d’exemple le traité signé entre la France et la Corée et qui depuis sa mise en place en 2011, a permis une augmentation de 50% de nos échanges commerciaux. Il précise que la multiplication de ces accords fait partie de la stratégie de l’UE pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations avec l’Organisation mondiale du commerce.
Il indique que des efforts ont été faits et que les évolutions actuellement prises en compte dans les négociations sur le TTIP résultent de l’accord signé dernièrement avec le Canada (texte à paraître). En effet, par rapport à d’autres accords, le TTIP diffère à la fois par le poids économique des deux acteurs et par le contenu des négociations. En effet, il ne s’agit pas seulement d’améliorer l’accès aux marchés respectifs mais aussi de réduire les barrières non tarifaires et notamment réglementaires (coopération réglementaire déjà en œuvre avec le Canada). De nombreuses critiques ont été formulées concernant d’une part, l’opacité des négociations, d’autre part du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Édouard Bourcieu précise que toutes les critiques émises ont été reprises et mises sur la table du Conseil puis celle du Parlement en septembre 2015. Des améliorations ont été retenues par la Commission européenne afin de fournir plus de transparence sur les délibérés, la documentation en ligne, des conférences de presse à l’issue de chaque cycle de négociation, l’accès à toutes les catégories de documents confidentiels liés aux négociations pour les membres du Parlement européen, etc.

 

Pour ce qui est du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (en  anglais ISDS), les États-Unis semblent avoir accepté la proposition européenne d’améliorer ce mécanisme avec les éléments suivants :

Mise en place d’un système juridictionnel public des investissements, composé d’un tribunal de première instance et d’une cour d’appel ;
Arrêts rendus par des juges hautement qualifiés nommés par les pouvoirs publics – qualifications requises comparables à celles des membres des juridictions internationales permanentes, telles que la Cour internationale de justice et l’organe d’appel de l’OMC ;
Principes de fonctionnement de la nouvelle cour d’appel semblables à ceux de l’organe d’appel de l’Organisation Mondiale du Commerce ;
Définition précise de la capacité des investisseurs à saisir la juridiction, limitée à des cas précis, tels que la discrimination ciblée fondée sur le sexe, la race, les convictions religieuses ou la nationalité, l’expropriation sans indemnisation ou encore le déni de justice ;
Consécration et protection du droit des États de réglementer, par son inscription dans les accords de commerce et d’investissement.

 

Ces dispositions devraient permettre aux États de garder leur rôle de législateur et en définitive de réduire le pouvoir des investisseurs à leur égard. Par ailleurs, la Commission va travailler, avec d’autres pays, à la création d’une juridiction internationale permanente des investissements. À terme, l’objectif est qu’elle puisse remplacer tous les mécanismes de règlement des différends prévus dans les accords de l’UE, les accords d’États membres de l’UE avec des pays tiers, et les accords de commerce et d’investissement conclus entre d’autres pays. Une telle avancée améliorerait l’efficacité, la cohérence et la légitimité des mécanismes internationaux de règlement des différends en matière d’investissement.

 

De manière générale, Édouard Bourcieu invite l’Ipse à procéder à une comparaison sur le volet plus spécifique de la protection sociale (au sens le plus large) avec certains accords commerciaux déjà conclus entre l’UE et les pays tiers, notamment celui avec la Corée du Sud et le Canada.

 

Il estime que les effets négatifs redoutés par les européens ne se sont finalement pas produits.

 

En ce qui concerne les États-Unis, Édouard Bourcieu remarque une absence quasi totale du TTIP dans le débat public américain. Les candidats aux élections primaires pour la présidence des États-Unis n’ont commencé à parler du TTIP que très récemment, et avec un ton plutôt hostile (notamment le candidat républicain Donald Trump). Par ailleurs, la position américaine risque d’évoluer non seulement par rapport à la nouvelle présidence mais aussi en fonction des débats autour de l’octroi du Statut d’économie de marché à la Chine. Ces deux dossiers pourraient s’influencer réciproquement.

 

III – Suites à donner

 

1/ Cette rencontre fait l’objet du présent compte rendu adressé en primeur aux adhérents dans le cadre de l’espace adhérent de notre site.

 

2/ Les échanges avec Édouard Bourcieu seront repris dans le cadre d’un dossier spécial TTIP dans le prochain Folio.

 

3/ Il est envisagé de réaliser un entretien avec la commissaire Cécilia Malmström ou son chef de cabinet. Cet entretien serait réalisé grâce à l’aide qu’Édouard Bourcieu pourrait nous apporter et feront l’objet de communication en interne et publique.

 

4/ Édouard Bourcieu et Dominique Boucher ont convenu qu’une intervention sur le TTIP dans le cadre des instances de l’Ipse serait des plus opportunes.