Jocelyne Le Roux est conseillère au Comité économique et social européen (CESE) au titre de la FNMF. Elle nous propose un regard sur le fonctionnement de cette instance consultative, sur les dossiers en cours et sur son engagement.
L’Ipse dans le cadre des élections européennes donnera régulièrement la parole à des représentants européens qu’ils soient parlementaires, élus de collectivités territoriales ou représentant de la société civile. Un dossier Ipse est en cours de préparation pour l’échéance de mai prochain sur les enjeux des élections européennes.
Le CESE est un organe consultatif représentant les divers groupes d’intérêts économiques et sociaux de l’Union européenne. Il a été mis en place par le traité de Rome en 1957 dans l’objectif de permettre à tous les groupes sociaux de se faire entendre de la Commission Européenne, du Conseil Européen et du Parlement Européen en donnant leurs points de vue sur toutes les questions d’intérêt communautaire et ainsi participer au processus décisionnel de l’Union européenne.
Le comité est composé de 350 membres qui sont répartis en 3 groupes (Groupe des Employeurs, Groupe des Travailleurs et le Groupe « Diversité Europe »
Pour l’aider à élaborer ses avis, le CESE dispose de 7 sections spécialisées dans les différents domaines d’activité communautaire : (ECO) Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale ; (INT) Marché unique, production et consommation ; (TEN) Transports, énergie, infrastructures, société de l’information ; (SOC) Emploi, affaires sociales, citoyenneté ; (NAT) Agriculture, développement rural, environnement ; (REX) Relations extérieures ; Les avis sont adoptés à la majorité simple au cours de séances plénières mensuelles. Qu’ils soient obligatoires ou facultatifs, ils n’ont pas de force contraignante. Le CESE peut également, s’il l’estime nécessaire, instituer des observatoires lorsque l’ampleur et la spécificité du sujet à traiter exigent une flexibilité particulière des méthodes de travail, des procédures et des instruments à utiliser (exemple : Observatoire du marché unique).
Je suis membre de ce comité depuis 2016 et en tant que représentante de la Mutualité Française, j’interviens dans le groupe III « Diversité Europe ».
Dans ce groupe, on retrouve plusieurs acteurs représentatifs de la société civile, en particulier dans les domaines socio-économique, civique, professionnel et culturel. C’est dans ce groupe que sont représentés les acteurs de l’économie sociale (mutuelles, coopératives, fondations et organisations à but non lucratif).
L’objectif commun est de parvenir à une réelle démocratie participative, économique et sociale dans l’Union. La devise du groupe III est d’ailleurs la suivante : « Instaurer dans l’Union une démocratie participative authentique à l’aide du dialogue civil ». La philosophie qui sous-tend ses activités repose sur trois piliers : la diversité dans la démocratie, la recherche du consensus, l’engagement citoyen européen – l’action locale.
Depuis 2016, j’ai particulièrement été intéressée par le travail du comité pour mieux faire connaitre les entreprises de l’ESS en Europe et les choses bougent. Plusieurs avis et études ont contribué pour promouvoir l’économie sociale comme une priorité des dernières présidences du Conseil de l’Union Européenne (présidences estonienne et bulgare).
Un autre travail a été fait en 2018 sur « la valeur ajoutée de l’économie sociale dans le secteur agricole ».
Et le Comité Économique et Sociale Européen travaille actuellement sur un rapport d’initiative concernant la lucrativité limitée. Il sera intitulé « Les entreprises à lucrativité limitée et à finalité sociale ». C’est Alain Coheur, également membre du comité qui pilote le projet, l’un des intervenants de la Matinée ADOM/IPSE du 25 février CF. Article Foliomail.
L’enjeu pour nous, acteurs de l’ESS est d’intégrer par des amendements ou des avis d’initiatives les spécificités de l’ESS afin de diffuser des messages concrets sur les impacts de certains textes sur les entreprises de l’ESS et son écosystème.
A l’aube des élections européennes et du Brexit, l’année 2019 est une année cruciale pour l’UE car les défis auxquels l’Union européenne doit faire face aujourd’hui ne cessent de s’accumuler. Vieillissement de la population, réchauffement climatique, incertitudes sur notre avenir énergétique et sa sécurité, fragilité persistante du système bancaire, monnaie fragile, tensions et violences à nos frontières extérieures, crise migratoire, menaces sur l’État de droit à l’intérieur de l’Union, perte de crédibilité auprès des citoyens…
Pour faire face à ces défis, il est primordial que nous fassions office de lien direct entre les institutions et les citoyens. Nous sommes conscients qu’il en va de notre responsabilité d’insuffler une nouvelle énergie à l’Europe, de faire connaitre les avantages de l’adhésion à l’Union, de défendre la démocratie et de favoriser la construction d’une société civile engagée. N’oublions pas qu’au-delà de notre expertise, l’Union a aussi besoin de notre engagement pour crédibiliser le projet européen d’aujourd’hui et de demain !
Nous devons œuvrer pour une Europe meilleure, tout comme l’Europe nous offre une meilleure vie.
La construction d’une Europe « sociale », pourtant évoquée à plusieurs reprises depuis le traité de Rome en 1957, a été écartée au profit d’une construction économique faisant la part belle aux échanges financiers et commerciaux. Convertie au capitalisme, l’Europe « libérale » a été incapable de proposer une harmonisation des dispositifs sociaux. Une concurrence acharnée, fondée en premier lieu sur des stratégies de dumping social et fiscal s’est installée entre les États-membres, allant jusqu’à remettre en cause les modèles sociaux les plus protecteurs et les plus solidaires.
Cette faiblesse sur le plan social de l’Europe a été particulièrement mise en lumière par la crise des réfugiés. Incapables de s’entendre sur une réponse solidaire à l’arrivée de populations fuyant la misère et la guerre, les pays européens ont fini par opter pour une politique de quotas que, finalement, personne ne respecte à l’exception de l’Allemagne et de la Norvège.
Consciente que cette faiblesse sociale est en partie responsable de la montée des mouvements nationalistes dans plusieurs pays européens, l’UE a tenté de corriger le tir. L’Europe est désormais entrée dans une phase « sociale » (dans la mesure de ce que cela veut dire pour les institutions européennes), notamment depuis l’adoption en novembre 2017 du socle européen des droits sociaux. Ce dernier est une suite de 20 principes destinés à renforcer la dimension sociale de l’Europe. Bien que le poids symbolique de ce texte soit important, il ne devrait avoir qu’une portée limitée puisqu’il n’est pas contraignant pour les États-membres. Cette absence de contrainte a d’ailleurs été dénoncée par la Confédération européenne des syndicats. Le socle européen participe néanmoins à installer un contexte favorable pour porter des sujets à dimension sociale et solidaire.
A l’heure du mouvement des gilets jaunes, mais aussi de la défiance de plus en plus de citoyens envers l’Europe, de l’augmentation de la pauvreté dans tous les pays européens, nous devons montrer qu’une Europe sociale est possible, c’est en ce sens que le CESE a adopté un avis lors de sa dernière séance plénière du mois de février pour demander une directive cadre dans le but de lutter contre la pauvreté en instaurant un revenu minimum décent dans tous les pays de l’UE.
Jocelyne Le Roux